Instant présent

« Mais les êtres humains se divisent entre « je suis ici et le monde est là », et pas seulement « là » mais « contre moi ». Je n’ai aucune expérience d’être un chien ou un chat et je ne sais pas ce qu’ils ressentent. Mais ce qu’on peut voir de leur comportement montre qu’ils sont tenaillés par la faim et les besoins physiques. Nous connaissons quelque chose de plus que les exigences impérieuses de la nature physique. Nous ne dormons pas. Nous faisons des rêves et nous tourmentons, ce qui faisait dire à un maître de la dynastie Tang : « Les gens ne mangent ni ne dorment. » Nous pensons au lendemain, nous pensons au passé, nous entretenons nos rêves et nous nous faisons du souci. Imagination, mémoire et projection dominent nos vies et provoquent de la souffrance. Je ne suis pas en train de suggérer que nous devrions vivre sans elles, comme un chien, mais avec toute notre histoire, nos souvenirs, avec toute nos prévisions eschatologiques, nous devons apprendre à vivre comme s’il n’y avait rien dans le passé et le futur. C’est vivre dans le monde spirituel et cela doit être expérimenté en passant par l’illumination. »

Daisetz Teitaro Suzuki, Derniers écrits au bord du vide