Philosophie

« Qu’est-ce que la durée de la vie de l’homme ? Un point. Sa substance ? Un écoulement. Sa sensibilité est confuse ; les parties qui composent son corps sont exposées à pourrir ; son âme est un tourbillon ; son destin est obscur, la renommée incertaine. En résumé, tout est vain ; le corps est une eau qui coule ; l’âme un songe, une fumée ; la vie n’est qu’une guerre, un séjour en pays étranger ; la gloire posthume, c’est l’oubli. Qu’est-ce qui peut donc nous conduire dans ce voyage ? La philosophie seule. Elle consiste à conserver notre génie intérieur exempt de tout affront et de toute souillure, supérieur aux plaisirs et aux peines ; à ne rien faire au hasard, à ne jamais mentir ni feindre ; à ne dépendre en rien de ce que les autres peuvent faire ou ne pas faire. Il faut, en outre, accepter ce qui nous arrive, la part qui nous est attribuée comme venant d’où nous sommes venus nous-mêmes. Surtout il faut attendre la mort avec sérénité, comme n’étant pas autre chose que la dissolution des éléments dont chaque être vivant est composé. Et s’il n’y a rien d’extraordinaire pour chacun de ces éléments dans leurs perpétuelles métamorphoses, pourquoi verrait-on d’un mauvais œil la métamorphose et la dissolution de leur tout ? Elle a lieu conformément à la nature, et rien de ce qui est conforme à la nature n’est mauvais. »

Marc Aurèle, Pensées pour moi-même